In memoriam Dr Cabannes

Jean-François CABANNE (1947-2015) 


Pr Striker


Tu vas manquer à bon nombre d'entre nous, Jean-François. Pour parler de toi, et de la trace que tu laisses dans la mémoire néphrologique, ce sont sûrement les collègues qui t'ont côtoyé tous les jours, qui sauraient le faire le mieux. Mais même pour qui ne t'a rencontré que de loin en loin, aux réunions des Néphrologues de l'Est (pendant 27 ans, quand même), on peut dire que tu as été marquant. Une étoile de l'ANE, comme dit ton ami Thanh. 

D'abord, même si ce n'est pas l'essentiel, tu n'avais pas le profil de tout le monde, avec tes moustaches de Tyrolien, ta tignasse de Beatle, ton éternel cuir, ta vigne et ta chère cave. On dit que l'anticonformisme n'est qu'un conformisme… Sauf que toi, pour te passer de cravate, tu n'as pas attendu que le port de la cravate devienne ringard. Et je me demande combien de milliers de kilomètres tu as avalés pour débarquer en moto, seul dans ton genre, à nos réunions. A ces réunions, on était un plus d'un à apprécier de s'attabler avec toi : car c'était l'assurance qu'on allait passer un bon moment à parler vin, à parler médecine, à parler de nous. Et bien davantage en plaisantant qu'en vitupérant. Pour ne pas dire en s'esclaffant, car tu jouais volontiers les joyeux drilles. Lorsque c'était toi l'organisateur, tu étais d'ailleurs un fameux amphitryon. Sur tes terres, tu nous as concocté plus d'une dégustation décontractée, et quelques descentes de cave pittoresques. Tout cela, c'était ton folklore, presque ta légende : de quoi nourrir sans mal quelques couplets de chansons pour rire. 

Mais comme c'est souvent le cas chez ceux qui savent rire, tu savais aussi être sérieux, efficace, de bon sens, et le cas échéant inventif. Tu as marqué les réunions de l'ANE par tes interventions documentées : c'étaient celles d'un néphrologue de terrain, mais qui, en cas de besoin, creusait son sillon plus profondément qu'il n'est d'usage. Tu avais déjà quitté Dijon depuis quelque temps quand j'ai pris ta suite au centre de dialyse, mais les infirmières gardaient comme référence absolue ce que tu leur avais enseigné. Les règles pour éviter la rétrofiltration étaient gravées dans leurs esprits, et c'était visiblement ton œuvre, ta marque particulière. 

Pas grand chose ne pouvait t'impressionner : on s'en apercevait bien quand tu nous racontais les improvisations et les chausses-trappes de la drôle de dialyse dont tu avais la charge dans une île lointaine et peu prévisible, où pour un médecin, faire jour après jour ce qu'on peut, c'est déjà être assez fort. 

On a bien vu aussi, un peu plus tard, que ça ne te tentait guère de raccrocher complètement ton stétho, même quand la maladie, ou plutôt les maladies, sont arrivées. Il n'y a pas si longtemps, tu m'as impressionné par ton flegme apparemment jovial, quand cette saleté de maladie gagnait du terrain : lorsqu'on ne peut pas se raconter d'histoires, quel courage faut-il avoir pour n'extérioriser aucun apitoiement sur soi… 

Tu avais aussi des fidélités. Pour une bonne part, c'est toi qui, dans l'association, as su rappeler ce que les néphrologues de l'Est devaient à leur fondateur Henri Terrasse. J'imagine que si maintenant vous pouvez à nouveau, tous les deux, vous taper sur l'épaule, ce n'est pas pour te déplaire. 

Et comme ça ne déplaira pas non plus à tes copains, je pense, de revoir ton sourire, je joins une photo de toi à cet au-revoir. 

Etienne Robin

Pr Striker

Amitiés à vous tous, avec ce poème de Jean Debruynne, qui va comme un gant à ce bon vivant de Jean-François : 

Quand vous saurez que je suis mort, 
Ce sera un jour ordinaire. 
Peut-être il fera beau dehors : 
Les moineaux ne vont pas se taire. 

Rien ne sera vraiment changé : 
Les passants seront de passage, 
Le pain sera bon à manger, 
Le vin versé pour le partage (…) 

La rue ira dans l'autre rue 
Les affaires iront aux affaires 
Les journaux frais seront parus 
Et la télé sous somnifères 

Vous croirez tous que je suis mort 
Quand mes vieux poumons rendront l'âme 
Moi je vous dis: vous avez tort 
C'est du bois mort que naît la flamme 

Merci des applaudissements 
Mon rôle m'allait à merveille 
Moi je m'en vais, tout simplement 
Un jour nouveau pour moi s'éveille 

N'allez donc pas dorénavant 
Me rechercher au cimetière
Je suis déjà passé devant 
Je viens de passer la frontière 

Je suis passé dans l'avenir. 
Ne restez pas dans vos tristesses, 
Enfermés dans vos souvenirs. 
Souriez plutôt de tendresse. 

Si l'on vous dit que je suis mort, 
Surtout n'allez donc pas le croire. 
Cherchez un vin qui ait du corps 
Et avec vous j'irai le boire…

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